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La protection des riverains.

 

diaporama : Protection des riverains

De nombreuses études montrent la dissémination des pesticides bien au-delà des zones traitées (1) ainsi que la contamination des habitations dans un rayon de l’ordre du kilomètre (2).

L’expertise Inserm de juin 2013 (3) révèle un lien statistique qualifié de fort entre l’exposition domestique aux pesticides et la survenue de leucémies chez les enfants exposés en période prénatale. Cet excès de risque concerne, cette fois-ci pour l’exposition résidentielle les troubles du neurodéveloppement (principalement avec les organophosphorés dans l’état actuel des connaissances) et dans une moindre mesure les malformations congénitales.

Dans une approche qui souhaite rester réaliste compte-tenu du contexte agricole français (parcelles souvent proches des habitations), nous considérons que ces données justifient des mesures de protection, même imparfaites, des riverains. Elles se justifient d’autant plus que la LAAF se prononce clairement pour un changement de paradigme agricole. Si elles ne remettent pas en cause le type d’agriculture pratiquée, elles constituent néanmoins un signal de nature à assurer une coexistence plus harmonieuse entre riverains et agriculteurs et à améliorer les pratiques culturales.

1) Définir des zones de non-traitement à proximité des habitations.

Nos recherches documentaires auprès de l’InVS (4), de l’ANSES (6) et de l’Observatoire des résidus de pesticides (ORP) montrent que les études disponibles n’ont pas été conçues pour répondre à la question : en fonction du type de culture, de l’indice de fréquence de traitements (IFT), quelle distance doit être préconisée entre zones d’épandage et zones de vie ?

En l’absence de réglementation de la qualité de l’air, ces études apportent cependant des éléments concernant la caractérisation de l’exposition des populations aux pesticides. On ne peut donc que s’étonner qu’elles n’aient pas été mises en œuvre par toutes les ARS concernées par cette problématique.

Voici quelques-uns de ces points :

• La synthèse de l’ORP (6) retrouve pour les substances dont la présence a été quantifiée en zones urbaines et rurales, 76% de taux inférieurs à 10 ng/m3 et 24% supérieurs à 10 ng/m3. Ces taux les plus élevés correspondent aux mesures à proximité des zones de traitement et en zones rurales ainsi qu’aux périodes d’épandage. Ces mesures ne portent que sur les substances actives, jamais sur les solvants.

• Cette même synthèse montre 4 influences principales : viticulture, arboriculture, maraîchage et grandes cultures. Les ZNT seraient donc probablement à adapter en fonction de ces types d’influence sur la contamination de l’air.

•Il n’y a pas de période strictement non exposée; il existe un « bruit de fond » toute l’année concernant certains produits (4).

•A titre d’exemple l’étude menée dans le Cher (4) en zone d’arboriculture (1200 ha de vergers) montre que «l’influence des vergers situés à plus de 250 m est manifeste….les concentrations les plus fortes en moyenne hebdomadaire s’élèvent à plus de 30 ng/m3 -pour le captane et l’endosulfan ».

Ajoutons que ces concentrations sont retrouvées à un niveau supérieur à 20 ng/m3 une dizaine de semaines sur la période de mesure d’avril à décembre. Soit 2 ou 3 fois le « bruit de fond » et à proximité d’une zone à IFT élevée (vignoble) : l’écart de concentration globale dans l’air ambiant est dans un rapport d’un à dix, et même d’un à cinquante si l’on tient compte d’une molécule ayant une concentration élevée sur une courte période. Cette étude a également comparé un indice, dit indice PHYTO, permettant de comparer les risques sanitaires entre différents sites de mesure (créé par Lig’air, association agréée pour la surveillance de la qualité de l’air en région Centre) : c’est là aussi le site en proximité du vignoble (village de Saulchery) qui présente selon cet indice le risque sanitaire le plus élevé. Faute d’études conçues pour comparer les distances de sécurité selon les grands types de culture et selon les protections mises en œuvre, nous ne pouvons que constater que l’exposition est manifestement plus forte à proximité immédiate des zones de traitement. Les populations riveraines n’ont pas à payer le retard pris par les autorités sanitaires dans l’évaluation du risque.

• Chevrier en France dans une publication prenant appui sur la cohorte Pélagie (5) retrouve dans les urines de 20 % des femmes des taux de métabolites alkylés des triazines corrélés avec la distance aux grandes cultures ; elle cite une étude réalisée dans l’Iowa ( Ward and al 2006) où la probabilité de retrouver des traces d’herbicides dans les poussières de maison à 750m des cultures est corrélée à la taille des parcelles. Elle cite aussi une étude expérimentale de Ravier ( 2005) selon laquelle les herbicides comme l’alachlor et l’atrazine sont retrouvés à 150m de la pulvérisation ; toujours selon le même auteur il existe une corrélation positive entre la proximité des cultures et les concentrations urinaires de metolachlor.

Aussi , il nous parait essentiel qu’une distance de sécurité avec les limites de propriété, de 100 à 200 mètres selon les IFT, soit mise en place pour réduire les risques sanitaires. Enfin nous renvoyons aux mesures concernant la protection des points de captage d’eau ainsi qu’à un Arrêté préfectoral instituant des distances réglementaires entre les zones de traitement et la limite de propriété des habitations ( Arrêté Préfectoral du Maine et Loire du 20 janvier 2017 relatif aux conditions d’application du metam sodium). Ce qui est possible pour une substance donnée doit pouvoir l’être pour une autre dont le danger serait reconnu.

L’installation de filets brise-vent ou de haies autour des plantations existantes peut aussi contribuer à diminuer la diffusion des produits.

De même que l’installation de dispositifs simples (type manches à air) en bordures des parcelles à IFT élevé, permet d’apprécier la vitesse du vent (les traitements étant interdits au-delà de 3 sur l’échelle de Beaufort) que ce soit par les agriculteurs, les riverains ou l’autorité publique. Les études de l’InVS (4) et la synthèse de l’ANSES (6) soulignent la forte influence des conditions climatiques et en particulier du vent sur les concentrations mesurées.

2) Mise en place d’une signalétique le long des routes et chemins longeant ou traversant les zones de culture à IFT élevé, telles que la vigne ou l’arboriculture.

Dans ces zones les traitements sont non seulement fréquents mais comportent plusieurs pesticides. Or selon la nature des produits utilisés, l’article 3 de l’arrêté du 12 septembre 2006 précise que le délai de ré-entrée peut aller de 6 à 48 heures. Les usagers des voies de communication jouxtant ces terrains devraient donc, au minimum, être informés qu’ils pénètrent dans une zone d’épandages fréquents de pesticides. La transparence doit être totale, avec affichage des produits épandus.

3) Nécessité d’un cadre législatif national :

Nous ne mettons pas tous nos espoirs dans les chartes départementales d’évolution des pratiques agricoles. Pour que des avancées aient lieu il faut un cadre législatif national, définissant ces zones tampons par rapport aux limites de propriété des habitations ( car l’instauration d’une distance a pour but de limiter, voire d’empêcher, la diffusion de substances cancérigènes mutagènes et reprotoxiques (CMR), et de substances perturbatrices endocriniennes (PE) à proximité des habitations, ce qui, dans la plupart des cas, signifiera un passage à l’agriculture biologique (AB) ).

Références :

(1) Revue Prescrire 2010, 30(326) ; 941-945

(2)Gunier RB, Ward MH, Airola M, Bell EM, Colt J, Nishioka M, et al. 2011. Determinants of agricultural pesticide concentrations in Carpet Dust. Environ Health Perspect

(3) Expertise INSERM juin 2013, « Pesticides : effets sur la santé ».

(4) Exposition aérienne aux pesticides des populations à proximité de zones agricoles, InVS juin 2006.
(5)Environmental determinants of the urinary concentrations of herbicides

during pregnancy: The PELAGIE mother–child cohort (France)

Cécile Chevrier , Tania Serrano , Rémi Lecerf , Gwendolina Limon , Claire Petit , Christine Monfort ,Laurence Hubert-Moy , Gaël Durand, Sylvaine Cordier  Environment International 63 (2014) 11–1

(6)ANSES : Recommandations et perspectives pour une surveillance nationale de la contamination de l’air par les pesticides, synthèse et recommandations du comité d’orientation et de prospective scientifique de l’observatoire des résidus de pesticides (ORP) octobre 2010. (6)Des pesticides à surveiller de près, Johan Spinosi, InVS, laboratoire Umrestte (université Lyon 1), Santé au Travail Octobre 2013. (7)ATMO Picardie, Étude sur les résidus de produits phytosanitaires en Picardie. Mesures réalisées du 13 mars au 14 septembre 2012

AMLP 30 Novembre 2018