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dossier SDHI (saga..)

Les pesticides à base de SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase) sont utilisés comme fongicides dans l’agriculture et l’entretien des espaces verts.. Ils agissent en bloquant l’enzyme SDH ( succinate déshydrogénase ) qui intervient dans le cycle de Krebs au niveau des mitochondries (chaîne respiratoire cellulaire).

Des controverses se sont succédées ayant pour objet la dangerosité des SDHI et leur homologation.

I- ASPECT TECHNIQUE

1) Définition des SDHI
Les SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase-en anglais succinate dehydrogenase inhibitor) sont des molécules à la base de fongicides commercialisés sous différentes formulations, les plus fréquents étant le boscalid le flutolanil le bixafen

2) Mode de fonctionnement
Ces molécules s’attaquent à la fonction respiratoire des champignons pathogènes afin de les détruire (but recherché) et potentiellement celle d’autres cellules, au niveau des mitochondries, par blocage de l’enzyme SDH qui intervient dans le cycle de Krebs.

Lire la présentation à propos des maladies mitochondriales Pathologie Mitochondriale

3) Les produits
Les SDHI sont employés comme fongicides sur des champignons affectant les cultures (céréales (blé-orge) pomme de terre, agrumes, vignes, semences, fraises, salades, pommes) et pour l’entretien des espaces verts (golf-stades)

Onze substances actives de cette famille entrent aujourd’hui dans la composition de produits phytopharmaceutiques autorisés en France. Parmi les plus fréquemment utilisés :

– Le boscalid, du groupe BASF et autorisé dans l’Union européenne depuis 2008, est le plus vendu dans notre pays. Le boscalid est un des résidus de pesticides le plus fréquemment retrouvé dans les aliments au niveau européen, selon une analyse menée en 2014 par l’ ANSES  (Autorité européenne de sécurité des aliments).

(https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-l’anses-relatif-à-l’actualisation-des-indicateurs-de-risque-alimentaire-lié-aux)

https://pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/compound/Boscalid

https://substances.ineris.fr/fr/substance/2772

https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-/substanceinfo/100.115.343

– Le bixafen entre dans la composition de plusieurs produits commerciaux

https://pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/compound/11434448

https://substances.ineris.fr/fr/substance/4795

https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-/substanceinfo/100.170.250

– Le flutolanil entre dans la composition de plusieurs produits commerciaux.

https://pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/compound/flutolanil

https://substances.ineris.fr/fr/substance/1002

https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-/substanceinfo/100.124.630

4) Evaluation de la toxicité
Les professionnels de santé publique utilisent des valeurs toxicologiques de référence (VTR), établies par des instances internationales ou nationales, afin de caractériser certains risques sanitaires encourus par les populations. Ces VTR sont des éléments qui établissent la relation entre une dose externe d’exposition à une substance toxique et la survenue d’un effet nocif et sont spécifiques d’un effet, d’une voie et d’une durée d’exposition. Les tests de toxicité sont réalisés avec des modèles animaux et cellulaires

On distingue deux types de VTR selon les effets observés :

Effet nocif à seuil de dose -VTR à seuil : les valeurs sont construites dans le cas de substances provoquant, au-delà d’une certaine dose, des dommages dont la sévérité augmente avec la dose absorbée

Effet nocif sans seuil de dose – VTR sans seuil : les valeurs sont construites dans le cas de substances pour lesquelles l’effet peut apparaître quelle que soit la dose reçue ; elles se définissent comme une augmentation de la probabilité, par rapport à un sujet non exposé, qu’un individu exposé lors de sa vie entière à une unité de dose de la substance développe une pathologie. Elles s’expriment sous la forme d’un excès de risque unitaire (ERU) exprimé en inverse d’unité de dose (exemple : 1 excès de risque de cancer pour 10 000 personnes exposées à X mg/m³ ou mg/kg/j)

Définition des durées d’exposition

  • Exposition aiguë: < 24h
  • Exposition subaiguë: < 1 mois
  • Exposition subchronique: 1 à 3 mois
  • Exposition chronique: > 3 mois

 

5) Législation
Les produits phytopharmaceutiques sont soumis à une demande d’autorisation avant leur mise sur le marché, sur la base d’une évaluation scientifique dont les critères sont fixés par une réglementation spécifique de l’Union européenne et réalisée à l’échelon européen.

L’autorisation de mise sur le marché (vente et utilisation) s’effectue au niveau de chaque État membre, en France, par l’ANSES depuis 2015.

Le dossier de demande de mise sur le marché inclut les études requises par la réglementation, réalisées avec le produit formulé tel qu’il sera utilisé (avec co-formulants) et, s’il en existe, les publications scientifiques pertinentes.

L’ANSES évalue l’efficacité des produits et les risques liés à leur utilisation pour les applicateurs, les travailleurs, les résidents et les personnes présentes à proximité des lieux d’application, les consommateurs, l’environnement, la faune et la flore. L’ANSES fait intervenir des équipes d’évaluateurs scientifiques spécialistes de différentes disciplines (chimie, toxicologie, écotoxicologie, etc.), un comité d’experts spécialisés indépendant, en tenant compte des données de la littérature scientifique et de celles issues des dispositifs de surveillance.

Sur la base de cette évaluation, les décisions d’autorisation ou de refus sont délivrées pour chaque usage du produit et pour une durée définie.

https://www.anses.fr/fr/content/que-sont-les-produits-phytopharmaceutiques

 

II-CHRONOLOGIE DE LA CONTROVERSE

Pierre Rustin, biochimiste et directeur de recherche au CNRS est responsable d’une équipe de l’INSERM spécialisée dans les maladies mitochondriales liées au dysfonctionnement de l’enzyme succinate déshydrogénase (ou SDH) intervenant dans la fonction respiratoire.

L’équipe du CNRS, dirigée par P. Rustin, a montré que l’enzyme SDH est commune à de nombreuses espèces (du lombric à l’homme), espèces qui peuvent être affectées par l’action des SDHI. Il a montré que les SDH de 22 espèces différentes étaient très similaires, en particulier dans les zones ciblées par les SDHI. Elle pointe une sur-sensibilité aux effets des SDHI des cellules de patients atteints de maladie neuro-dégénérative (Alzheimer, ataxie de Friedrich).

Fin novembre 2017, l’équipe contacte l’ANSES qui répond que « pour l’instant, l’évaluation scientifique des risques liés à l’usage de ces produits, qui prend en compte le mécanisme d’action, conclut à une absence de risque inacceptable » et dit ne pas avoir, à ce stade, d’éléments « pour les interdire ou les suspendre sur la base d’hypothèses tirées de leur mécanisme d’action ». Après examen des données de l’étude, l’ANSES dit que celles-ci n’ont pas permis à l’ANSES de trouver des « éléments nouveaux qui permettraient d’alimenter une réévaluation des risques ».

En mars 2018, Pierre Rustin et ses collègues publient dans la revue bioRxiv une prépublication (avant relecture par un comité de lecture constitué de pairs) de résultats de tests in vitro sur l’effet de molécules de la famille des SDHI (huit molécules) ; selon cette étude, l’action des SDHI pourrait également s’exercer sur des organismes qui ne sont pas la cible recherchée du produit et sont donc aussi capables de bloquer celle du ver de terre, de l’abeille et de cellules humaines, dans des proportions variables

L’étude – qui a porté sur 8 des 11 molécules actuellement vendues en France- met également en cause la fiabilité des tests réglementaires actuels de toxicité. L’une des raisons pour lesquelles ces fongicides peuvent avoir passé sans encombre le filtre de l’homologation tient à leur mode d’action. Ces molécules ne sont, en effet, pas mutagènes – la mutagénicité est l’une des étapes-clés vers la cancérogénèse – mais elles agissent indirectement sur l’épigénome (le système de régulation des gènes), augmentant ainsi les risques de certains cancers. Ces mécanismes, écrivent en substance les chercheurs, ne sont pas recherchés par les tests réglementaires, préalables à la mise sur le marché. Enfin, les chercheurs et chercheuses ont montré que les conditions des tests réglementaires actuels de toxicité masquent un effet très important des SDHI sur des cellules humaines : les fongicides induisent un stress oxydatif dans ces cellules, menant à leur mort

Le 15 avril 2018, deux semaines après la prépublication de l’étude, plusieurs des signataires ( un collectif de chercheurs, cancérologues, médecins, et toxicologues, du CNRS, de l’INSERM, de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de différentes universités ) publient une tribune dans Libération appelant à « suspendre l’utilisation de ces produits [les SDHI] utilisés dans l’agriculture tant qu’une estimation des dangers pour la santé n’aura pas été réalisée par des organismes publics et indépendants des industriels », exprimant leur inquiétude à l’égard des fongicides SDHI et des effets délétères qu’ils pourraient avoir sur l’environnement et la santé humaine.

L’exposition aux SDHI se produit de manière chronique dans la population générale – tout au long de la vie professionnelle pour les agriculteurs, et tout au long de la vie pour l’ensemble de la population. Ce paramètre ne serait pas évalué dans les tests actuellement prévus par la réglementation.

Cela a conduit l’ANSES à monter un groupe d’expertise afin de « déterminer si les informations et hypothèses scientifiques mentionnées par les auteurs [de la tribune] apportaient des éléments en faveur d’une exposition et de risques ».

Le 24 mai 2018, l’Assemblée Nationale auditionne l’équipe de chercheurs. http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/cr-cealimindu/17-18/c1718005.pdf

Les signataires de la tribune sont auditionnés le 14 juin 2018. L’Anses rappelle qu’elle a informé les autorités européennes, les Etats membres de l’UE et ses homologues nord-américains du signal concernant les fongicides SDHI dès 2018. .

Le 15 janvier 2019, l’ANSES a publié en réponse un rapport rédigé par un groupe d’experts estimant que l’alerte n’était pas justifiée mais que des recherches ultérieures devaient être conduites.

https://www.anses.fr/fr/content/fongicides-inhibiteurs-de-la-succinate-déshydrogénase-sdhi-l’anses-présente-les-résultats-de

(L’intérêt du rapport est une présentation de la réglementation d’homologation au niveau et européen, une présentation de chaque produit (11 substances actives) et leur utilisation, leur biochimie, les questions soulevées par l’équipe de P. Rustin)

L’Agence a transmis ses conclusions à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

« CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DE L’AGENCE

Au vu des conclusions du GECU (Groupe d’expertise collective d’urgence), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail considère que les informations et hypothèses scientifiques apportées par les lanceurs de l’alerte n’apportent pas d’éléments en faveur de l’existence d’une alerte sanitaire qui conduirait au retrait des autorisations de mise sur le marché actuellement en vigueur conformément aux cadres réglementaires nationaux et européens.

En effet, en considérant les données de la littérature, des évaluations européennes des substances et des données issues de la vigilance :

  • le niveau des expositions alimentaires totales rapportées aux seuils toxicologiques actuellement établis est faible et les dépassements de LMR pour ces substances actives sont exceptionnels,
  • le métabolisme de ces substances est important et leur élimination est rapide,
  • au regard des sources consultées, il n’a pas été identifié de données suggérant une augmentation de l’incidence des cancers spécifiques associés au déficit en SDH, chez l’Homme non porteur de mutation (chez les professionnels exposés par exemple), malgré une commercialisation parfois ancienne de ces molécules SDHI, ni de données suggérant un impact pour les organismes de l’environnement.

L’ANSES endosse également les recommandations du GECU visant à approfondir les connaissances relatives aux dangers des SDHI, aux expositions à ces molécules, aux risques qui découleraient de ces expositions, et au renforcement des dispositifs réglementaires existant, notamment concernant les méthodologies d’évaluation des risques. Il convient également de noter que l’ANSES a rapporté les éléments présentés par les scientifiques signataires de la tribune au niveau européen en informant la Commission Européenne, l’EFSA, l’ECHA et les autres états membres, le présent avis de l’ANSES et rapport du groupe de travail seront transmis à ces instances. Par ailleurs, lors de l’examen de l’approbation ou de la réapprobation, dans le cadre des procédures définies par le règlement (CE) 1107/2009, des substances actives de la famille des SDHI, l’ANSES a d’ores et déjà fait part de la nécessité de mieux prendre en compte le mécanisme de l’inhibition de la SDH et les effets potentiellement induits dans l’évaluation de la toxicité de ces substances ».

En juin 2019, les chercheurs signent une nouvelle tribune publiée dans Le Monde dénonçant « l’incapacité des experts en toxicologie à protéger la nature et possiblement l’Homme des méfaits des pesticides » et adressent, aux côtés de l’association Pollinis, une pétition au Parlement européen.

Le 25 juillet 2019, l’Anses fait le point sur les travaux en cours et annonce que « à ce jour, aucun nouvel élément n’est venu confirmer l’existence d’une alerte sanitaire qui conduirait au retrait des autorisations de mise sur le marché en vigueur, conformément aux règlements nationaux et européens relatifs aux produits phytopharmaceutiques ». Elle rappelle qu’elle a saisi l’Inserm afin que la question des effets des SDHI sur la santé soit bien intégrée dans la mise à jour de son expertise collective sur les effets sanitaires liés aux pesticides. Elle réitère ses conclusions rendues, le 15 janvier 2019, dans son avis analysant la toxicité de ces produits.

Le 11 septembre 2019, le journaliste Fabrice Nicolino publie un livre intitulé « Le crime est presque parfait – L’enquête choc sur les pesticides et les SDHI ».

13 Septembre 2019, P. RUSTIN publie une lettre ouverte à Mr le Président de l’Anses :

« Monsieur Genet, vous me permettrez de rectifier quelques-unes des erreurs que vous avez commises – sans doute par ignorance – dans vos récentes affirmations concernant l’affaire des SDHI. Ainsi, vous prétendez que l’Anses soutiendrait certains travaux de recherche sur les SDHI (succinate dehydrogenase inhibitors) à la tête desquels se trouveraient des scientifiques et des médecins qui ont initialement lancé l’alerte concernant ces fongicides. C’est faux. Les co-signataires de l’alerte sur les SDHI et la consultation du site de l’Anses vous confirmeront l’évidence : aucun projet de recherche n’est en pratique démarré à ce jour. Seules des discussions ont ou ont eu lieu, qui ont porté sur l’éventuelle pertinence qu’il y aurait à étudier la cohorte française des malades atteints de paragangliomes et/ou phéochromocytomes (tumeurs et/ou cancers résultant des mutations des gènes de la SDH, la succinate déshydrogénase). En tout état de cause de telles études auraient évidement dû précéder et non suivre l’autorisation de mise sur le marché de ces poisons. Nous sommes donc loin, très loin du compte ! Vous me reprochez de ne pas avoir transmis à l’Anses les éléments de preuve de la toxicité des SDHI sur l’homme. Cette demande – je l’espère – relève d’une méconnaissance de ce que sont les maladies mitochondriales. En effet, comment ignorer la grande latence intervenant entre un blocage partiel du fonctionnement des enzymes de la chaîne respiratoire – soit l’effet attendu des SDHI – et l’apparition de pathologies associées ? Cette latence est bien connue des spécialistes dont nous sommes de ces maladies, et amplement documentée par des dizaines de publications. Permettez une illustration de ce phénomène : bien que présentes dès la conception, les dysfonctions de la chaîne respiratoire observées dans les maladies génétiques peuvent mettre jusqu’à vingt, voire trente ans à apparaître chez les personnes atteintes. Un éventuel empoisonnement de la chaîne respiratoire par les SDHI mettra donc de très nombreuses années, des dizaines probablement, avant d’avoir une traduction pathologique. Vu le caractère partiel de l’inhibition le SDH telle qu’on peut l’attendre d’une lente imbibition par les SDHI, on peut raisonnablement prédire l’apparition ou l’accélération de pathologies neurologiques, type Parkinson et Alzheimer. Seule une grande malhonnêteté scientifique pourrait conduire à soutenir un autre point de vue. Comme vous le savez pertinemment, nous avons établi et fourni à l’Anses, les preuves scientifiques 1) de l’évidence du danger représenté par l’usage massif des SDHI, 2) de l’obsolescence totale des tests toxicologiques réglementaires demandés aux industriels et 3) de la non-spécificité (ni d’espèce, ni de cible) des SDHI, en particulier de ceux de dernière génération. Ces éléments évidement cruciaux, que nous avons exposés à l’Anses, vous les passez curieusement sous silence. Enfin, je vous ai invité et vous invite encore, Monsieur Genet, à vous rendre dans notre laboratoire pour vous expliciter de nouveau ces données dans tous leurs détails. Vous n’avez pas même accusé réception de mes courriers ou emails. Pour rappel, les données de notre travail de recherche ont été communiquées à l’Anses avant même leur publication (publication soumise désormais, et mis à disposition une partie d’entre elles sur le site BioRxiv). Si, par aventure, vous recherchiez des « signaux forts » pour nourrir le travail d’une agence supposée attentive à l’environnement, l’effondrement de la biodiversité observée en France et en Europe devrait vous sauter aux yeux. Avec un responsable central, dont le nom revient obstinément d’étude en étude : l’usage immodéré des pesticides fait dans l’agriculture intensive. Parmi ces pesticides, les SDHI, avec leur totale absence de spécificité d’espèce, apparaissent particulièrement bien placés dans la course à la toxicité. Cette fois, seule de la mauvaise volonté peut conduire à ne pas considérer cette triste réalité. A cette mauvaise volonté s’ajoute, dans la perception du danger représenté par l’usage des SDHI, un évident problème de compétence dans votre agence. Le groupe de 4 experts constitué par l’Anses pour examiner notre alerte n’a pas semblé vraiment au fait de la complexité des maladies mitochondriales (du type de celles qui pourraient résulter de l’imprégnation par les SDHI) et a démontré son ignorance des données scientifiques sur le sujet SDHI. Par exemple, il nous a été demandé de montrer l’effet des SDHI sur l’enzyme des mammifères… effet connu et rapporté dans une publication accessible depuis.. 1976 ! Nous avons confirmé cet effet pour les nouveaux SDHI actuellement distribués en France et informé l’Anses de ces données dès notre première audition. En avez-vous tenu compte ? Nullement, tout comme vous avez préféré ignorer une étude soutenue financièrement par l’Anses qui, dès 2012, démontrait la génotoxicité de certains SDHI, indépendamment de toute modification épigénétique. Tous ces éléments scientifiquement fondés et fort alarmants nous ont conduit à demander – et nous réitérons cette demande – que soit appliqué d’urgence le principe de précaution et que soient reconsidérées les autorisations données à l’usage des SDHI. Le respect d’une réglementation totalement obsolète – réglementation à laquelle les firmes s’accrochent et derrière laquelle s’abrite désespérément l’Anses – ne me semble pas avoir grande valeur s’agissant du drame en cours pour la biodiversité et de la menace bien réelle pesant sur la santé humaine.»

 Le 7 novembre 2019, l’étude de l’équipe de P. Rustin est publiée dans la revue PLOS ONE. Résumé : « Les fongicides SDHI sont toxiques pour les cellules humaines

Les  SDHI sont utilisés dans le monde entier pour limiter la prolifération de moisissures sur les plantes et leurs produits. Toutefois, la SDH, également appelée complexe II de la chaîne respiratoire, est un composant universel des mitochondries qui sont présentes dans quasi tous les organismes vivants. La SDH est restée particulièrement conservée au cours de l’évolution, et l’on peut légitimement s’interroger sur la spécificité des SDHI vis-à-vis des seules moisissures. Ici, nous établissons d’abord que la SDH de l’homme, de l’abeille domestique, du ver de terre et des champignons sont toutes sensibles aux huit SDHI testés, avec toutefois des valeurs d’IC50 variables, généralement de l’ordre du micro-molaire. Nous avons ensuite observé que cinq des SDHI, principalement de la dernière génération, inhibent, outre la SDH, l’activité du complexe III de la chaîne respiratoire. Puis, nous montrons que le glucose présent dans les milieux de culture cellulaire masque totalement l’effet délétère des SDHI. En effet, le glucose métabolisé par la glycolyse va fournir suffisamment d’ATP et de pouvoir réducteur (NADPH) pour les enzymes antioxydantes et ainsi permettre la croissance de cellules déficientes en chaîne respiratoire. En revanche, lorsque la glutamine est la principale source de carbone au lieu du glucose, la présence de SDHI entraîne une mort cellulaire dépendante du temps. Ce processus est considérablement accéléré pour des fibroblastes provenant de patients atteints de maladies neurologiques ou neurodégénératives dues à une altération de la chaîne respiratoire (encéphalopathie due à un déficit partiel de SDH) et/ou à une hypersensibilité aux stress oxydatifs (ataxie de Friedreich, forme héréditaire de la maladie d’Alzheimer).»

7 novembre 2019 publication d’un article dans Le Monde : « Les SDHI, ces fongicides qui ne touchent pas que les champignons » Des chercheurs français montrent que ces pesticides pourraient être parfois plus toxiques pour des organismes non cibles que pour les moisissures contre lesquelles ils sont censés agir. Par Stéphane Foucart

08 novembre 2019 Suite à la publication le 7 novembre d’un article dans la revue scientifique PLOS One évoquant la toxicité de fongicides SDHI sur des cellules cultivées in vitro, l’Anses rappelle qu’elle poursuit ses travaux concernant de potentiels effets de ces substances sur la santé en conditions réelles d’exposition, en coopération avec d’autres institutions scientifiques de recherche et d’expertise.

A ce titre, elle a demandé à l’INSERM de prendre en compte les données de cette publication, ainsi que d’autres publications récentes, dans l’expertise collective que l’Institut mène actuellement pour actualiser les connaissances sur les effets des pesticides sur la santé.

18 novembre 2019 Publication d’un « avis relatif au signalement sur de possibles risques liés aux fongicides agissant par inhibition de la succinate déshydrogènase (SDHI) », délibéré le 24 octobre 2019 par la cnDAspe (Commission nationale de déontologie et alerte en santé publique et environnement) :

« La cnDAspe   a reçu un signalement le 11 avril 2019 d’une équipe de chercheurs, indiquant que leurs travaux avaient mis en évidence des dangers non pris en compte par les procédures d’évaluation des risques appliquées dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires. Ces dangers concernent une famille de fongicides dits SDHI, c’est-à-dire qui agissent par un mécanisme qui inhibe une enzyme intervenant dans la respiration cellulaire, la succinate déshydrogènase. Ces chercheurs mettaient également en cause la réponse jugée insuffisante de l’ANSES lorsqu’ils avaient porté cette découverte à sa connaissance, en 2017. Cette « alerte » a été discutée lors de la session plénière de la cnDAspe du 25 avril 2019.

Conformément à sa mission, la Commission a demandé à l’ANSES, autorité compétente en France pour l’instruction des demandes de mise sur le marché européen des produits phytosanitaires, communication des informations dont l’agence disposait sur le sujet, et un état des différents échanges noués avec l’équipe des chercheurs. Dans sa réponse, qui comportait un relevé détaillé de ces échanges, la Direction de l’ANSES a souhaité être entendue par la Commission. Lors de la session plénière du 20 juin 2019, la Commission a décidé de recevoir les Directeurs délégués de l’ANSES en charge de ce dossier, dans le but de porter une appréciation sur la manière dont le signalement des chercheurs avait été géré par l’autorité compétente. L’échange a eu lieu le 12 septembre 2019, à la suite duquel la cnDAspe a demandé à l’auteur du signalement de lui communiquer tout document scientifique de nature à accréditer l’hypothèse avancée par l’équipe de chercheurs au nom de laquelle il avait engagé la démarche. En réponse, celui-ci lui a communiqué un projet d’article soumis par cette équipe pour publication dans une revue scientifique internationale. Non compétente pour juger sur le fond la validité scientifique de ces travaux, la Commission a adressé ce projet d’article, sous le sceau de la confidentialité, à deux experts toxicologues membres du Comité de la Prévention et de la Précaution (CPP), son comité spécialisé, en leur demandant un avis sur la force de conviction des résultats présentés.

Sur la base de l’ensemble de ces informations, la cnDAspe émet l’avis suivant :

  • Les données scientifiques présentées par l’équipe de chercheurs sur les dangers des fongicides SDHI sont de qualité et posent un doute sérieux sur des dangers qui ne sont pas actuellement pris en compte dans les procédures de toxicologie appliquées selon la réglementation européenne concernant la mise sur le marché des produits phytosanitaires. Des incertitudes substantielles demeurent néanmoins sur les risques qui seraient induits chez l’homme lors de l’exposition à cette famille de fongicides, qui appellent la poursuite des recherches et donc des financements dédiés. Cette situation est constitutive d’une alerte.
  • L’Anses a traité le signalement qui lui a été communiqué par l’équipe de chercheurs de manière réactive et approfondie, notamment en informant les autorités compétentes européennes, américaines et les agences correspondantes dans les Etats-membres de l’Union, et en engageant des financements importants pour améliorer les connaissances sur ces dangers identifiés. La cnDAspe invite l’Anses à poursuivre dans ce sens et lui adresse les éléments d’information recueillis à l’occasion de l’instruction de ce signalement.
  • Les ministres en charge de l’environnement, de la santé, de la recherche, de l’agriculture, des sports, compétents à différents titres sur le sujet, sont saisis de cette alerte.
  • Afin que les autorités politiques puissent disposer d’un cadre solidement argumenté leur permettant, s’ils en décident ainsi lorsque les données scientifiques consolidées seront disponibles, de recourir à des clauses de sauvegarde, la cnDAspe, avec l’appui scientifique du CPP, invitera l’ensemble des acteurs concernés à engager une réflexion pouvant déboucher sur un document méthodologique détaillé comportant les conditions minimales d’ordre scientifique pouvant justifier le recours au principe de précaution, notamment pour les substances et mélanges dangereux en cause dans le présent dossier.
  • La cnDAspe reste attentive aux développements de ce dossier. »

https://www.alerte-sante-environnement-deontologie.fr/IMG/pdf/avis_sdhi_111024.pdf

22 novembre 2019 article Le Monde : « Pesticides SDHI : l’avertissement des chercheurs validé »

La commission nationale des alertes en santé publique estime qu’un « doute sérieux » existe sur ces fongicides. Par Stéphane Foucart

19 décembre 2019 création du site End of SDHI par les scientifiques à l’origine de l’appel concernant les dangers représentés par les SDHIs (paru en Avril 2018 dans le journal Libération), Paule Bénit, PhD (Ingénieure de Recherches IR2 INSERM ; Institut national pour la santé et la recherche médicale) et Pierre Rustin, PhD (Directeur de Recherches CE Emérite au CNRS ; Centre National de la Recherche Scientifique), membres de l’Equipe Physiopathologie et Thérapie des Maladies Mitochondriales, de l’Unité Mixte de Recherches INSERM UMR 1141 (localisée à l’hôpital Robert Debré dans le XIX° arrondissement à Paris), dirigée par Pierre Gressens, directeur de recherche à l’INSERM et professeur de neurologie fœtale et néonatale au King’s College à Londres

http://endsdhi.com/

Le jeudi 9 janvier 2020, une tribune est publiée dans Le Monde « Pesticides SDHI : 450 scientifiques appellent à appliquer le principe de précaution au plus vite ». Des chercheurs de disciplines diverses appellent, dans une tribune au « Monde », à l’arrêt de l’utilisation en milieu ouvert de ces molécules qui bloquent la respiration cellulaire dans l’ensemble du vivant et déplorent un déni des données scientifiques.

Le 21 janvier 2020, trois associations, Générations futures, Nous voulons des coquelicots et France Nature Environnement (FNE) ont adressé, le 21 janvier, un courrier à l’ANSES réclamant l’abrogation des autorisations de mise sur le marché (AMM) de trois pesticides à base de SDHI : le Keynote et l’Aviator Xpro produits par Bayer, et le Librax produit par BASF. En cas de refus, elles indiquent vouloir saisir la juridiction administrative,

Le 23 janvier 2020, une audition est organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques où sont invités Pierre Rustin et Roger Genet, le directeur de l’ANSES.

http://videos.senat.fr/video.1494201_5e2788cf925bd.audition-pleniere—fongicides-sdhi?timecode=655285

Le 25 juin 2020, suite à son avis relatif au signalement qu’elle avait reçu d’un groupe de chercheurs sur de possibles risques liés aux fongicides agissant par inhibition de la succénate déshydrogénase (SDHI) la cnDAspe a installé le 25 juin un groupe de travail (appelé « Formation spécifique » dans son décret de fonctionnement du 26 décembre 2014) de 9 personnalités scientifiques auxquelles elle a demandé d’élaborer un rapport destiné à être proposé aux institutions compétentes (organismes publics d’expertise et établissements de recherche) comme cadre de travail pour l’élaboration de ce document.

Le 6 novembre 2020, un article, publié dans la revue Chemosphere, soulève à nouveau le problème de la nocivité environnementale des fongicides de la famille des SDHI. Les scientifiques montrent que le bixafen, un SDHI fongicide très largement utilisé par les agriculteurs européens, est neurotoxique in vivo et provoque de sévères anomalies du développement du système nerveux central de l’embryon de poisson zèbre et, en particulier, une atrophie du cerveau et une désorganisation des fibres nerveuses de la moelle épinière.

III – AVIS DE L’ALMP (nov 2020)

  • soutien à la demande de l’interdiction au niveau français et européen
  • question sur l’effet cocktail
  • question sur la persistance dans l’eau de boisson et les aliments
  • question de la durée d’exposition aux tests
  • rapport bénéfice/risque : le mécanisme est accepté mais la dangerosité n’est pas quantifiée elle est extrapolée par les pour et contre, en ne prenant pas les mêmes repères

L’AMLP part du principe que chaque produit introduit dans l’environnement peut perturber le fonctionnement du corps humain, donc en application du principe de précaution, nous sommes pour le retrait  dans l’attente d’une quantification bien menée.

5 Décembre 2023, CONTROVERSE À L’ANSES : https://www.anses.fr/fr/content/nouvelles-expertises-sdhi-produits-phytopharmaceutiques
Selon celle-ci, il n’existe pas de « risque inacceptable pour les consommateurs» à  condition  d’ajuster 11 des 39 valeurs toxicologiques de référence (VTR), « en diminuant modérément leur valeur actuelle d’un facteur de réduction allant de 1,5 à 3,3 »
Mais cet avis comporte en annexe la position divergente de deux membres du groupe de travail (sur 15 scientifiques réunis, 3 ont  démissionné, quatre  ont  rédigé huit avis divergents et certaines observations ont été reléguées en simple « annexe »)  Leurs critiques portent sur la manière dont l’expertise a été menée. Ils déplorent notamment que les résultats d’une analyse transversale des effets toxiques des SDHI aient été minorés. « Cette analyse, innovante par rapport à l’évaluation réglementaire substance par substance, visait à expliciter les toxicités d’organes communes ou différentes pour tous les SDHI expertisés ».  En effet, l’analyse a révélé « des atteintes nombreuses et partagées entre les SDHI pour le rein, la perturbation endocrinienne, la neurotoxicité, les maladies oculaires, les atteintes des surrénales, cardiaques, du foie, de la thyroïde ». Selon eux, la minimisation de ces résultats « a pour conséquence de réduire le champ de l’expertise collective et de centrer les résultats sur la question purement réglementaire de l’analyse des VTR », alors qu’il aurait  fallu « avoir une vision élargie de la problématique des SDHI »au lieu d’une simple « caution académique ».