AU FIL DES JOURS

Perturbateurs endocriniens : la démocratie européenne bafouée

Vous trouverez ci-après le Communiqué de presse de nos deux associations (AMLP  et Générations Futures), concernant la dérive constatée dans l’application de la réglementation des pesticides perturbateurs endocriniens.
Décision confidentielle et règlement non respecté concernant une substance contaminant largement la population, tandis que l’ANSES  ferme les yeux : nos associations mettent le sujet sur la place publique tout en soutenant l’action juridique en cours.

voici la « réponse » de l’ANSES au dossier « cyperméthrine »   https://alerte-medecins-pesticides.fr/ressources/dossier-cypermethrine/

 

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le 12 décembre 2023

Perturbateurs endocriniens : la démocratie européenne bafouée

Depuis que le 22 novembre une majorité de parlementaires européens votaient contre la proposition de règlement sur l’usage durable des pesticides (SUR), vidée de sa substance sous la pression des lobbies de l’agro-industrie chimique comme l’a révélé l’ONG Corporate Europe Observatory (1[1]), les perspectives d’une réduction de l’utilisation des pesticides et de règles contraignantes par pays semblent renvoyées aux calendes grecques. Pourtant début décembre, d’autres négociations européennes loin des feux des projecteurs, aboutissaient à une évolution du règlement CLP saluée par les ONG européennes. Ce règlement qui porte sur l’identification et la caractérisation des dangers des substances chimiques, ouvre en particulier une nouvelle classe de danger pour les perturbateurs endocriniens (PE). Il est encore un peu tôt pour savoir si cela conduira réellement à une prise en compte plus conforme aux demandes scientifiques concernant l’identification de ces substances, et à une protection plus forte des professionnels et des consommateurs. Mais le temps presse : votée en 2009 dans le cadre du règlement pesticides 1107/2009, l’exclusion du marché européen des PE n’est toujours pas réellement mise en œuvre.

Le renouvellement d’autorisation de la Cyperméthrine en fournit une preuve éclatante. Cet insecticide fait partie de la famille des pyréthrinoïdes, qui constituent la famille d’insecticides la plus utilisée, que ce soit en milieu agricole, pour la protection du bois, ou encore comme insecticides domestiques et comme antiparasitaire humain. Pourquoi s’intéresser à celle-ci alors que des centaines d’autres substances toxiques sont mises sur le marché ?

Parce que, conséquence logique de si larges utilisations, la contamination de la population française et européenne est massive et connue de longue date (pratiquement 100 % ([2]) des femmes enceintes de la cohorte Elfe en France présentent dans leurs urines des résidus quantifiés de Pyréthrinoïdes).

Parce que les pyréthrinoïdes ont des effets neurotoxiques reconnus chez l’homme, et en particulier chez les enfants lors d’une exposition pendant la grossesse : le niveau de preuve de ce lien est qualifié de fort pour les troubles internalisés du développement par l’actualisation de l’expertise Inserm (Pesticides et santé,2021).

Parce que les données de la littérature internationale sont accablantes : elles permettent d’affirmer ([3]) que la CYP est un PE impactant en particulier deux axes : l’axe thyroïdien et l’axe allant de l’hypothalamus aux gonades (avec un niveau de preuve moindre pour l’axe thyroïdien).

Enfin parce qu’en novembre 2021, les Etats européens ont renouvelé l’autorisation de la Cyperméthrine jusqu’en 2029, tout en demandant que « des informations supplémentaires permettant de confirmer l’absence d’activité de la substance en tant que perturbateur endocrinien soient soumises au plus tard le 15 décembre 2023 »... La CE a donc considéré, ainsi que les Etats qui ont voté ce renouvellement d’autorisation, que le respect d’un critère d’exclusion (la fourniture en temps et heure de données sur la perturbation endocrinienne potentielle) pouvait attendre, pire qu’on allait s’en passer et que les données de la littérature internationale comptaient pour du beurre.

La Commission Européenne (CE) nous avait habitué aux prolongations d’un an ou deux accordées aux industriels lors des renouvellements d’homologation de substances pour cause de données manquantes sur la PE. Mais là c’est une ligne rouge qu’elle vient de franchir en accordant l’autorisation pour 8 années supplémentaires malgré l’absence de données fournies par les industriels, tout en ignorant celles de la littérature internationale. PAN Europe ne s’y est pas trompé en portant l’affaire devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour non respect de la réglementation européenne. Nos associations sont totalement solidaires de cette action et ont quant à elles, interrogé l’Anses. Celle-ci s’est retranchée derrière le cadre réglementaire – l’Etat rapporteur n’est pas la France- sans même daigner commenter le dossier fourni, ni surtout préciser ce que sera sa position sur cette question. La boite noire de la comitologie européenne est bien pratique ! »

Les PE sont bien les parents pauvres de la réglementation européenne sur les pesticides. Et alors qu’une ouverture se présente par l’évolution du CLP, la CE et les Etats donnent le sentiment qu’ils veulent passer en force en bafouant leur propre réglementation.

Nos associations attendent donc la décision de la CJUE afin de déterminer les suites judiciaires qu’elles donneront à cette question.

Contacts presse :

Dr Pierre-Michel PERINAUD, Président d’Alerte des médecins sur les pesticides. 06 31 23 66 72

François VEILLERETTE, porte-parole de Générations Futures.06 81 64 65 58

[1] https://corporateeurope.org/en/2023/11/sabotaging-eu-pesticide-reduction-law-sur

[2] IMPRÉGNATION DES FEMMES ENCEINTES PAR LES POLLUANTS DE L’ENVIRONNEMENT EN FRANCE EN 2011Volet périnatal du programme national de biosurveillance mis en oeuvre au sein de la cohorte Elfe Tome 3 : synthèse et conclusions Décembre 2017

[3] https://alerte-medecins-pesticides.fr/wp-content/uploads/2023/12/CYPERMETHRINE-1.pdf

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