AU FIL DES JOURS

Tribune collective à propos de la Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat

Attendue au mois de juillet dernier, la Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat (SNANC) du gouvernement se fait désirer. Ce retard peut s’expliquer par le caractère inédit d’une initiative qui doit fixer un cap pour la politique de l’alimentation à horizon 2030 et assurer la cohérence des actions des différents ministères concernés. Les révélations récentes sur les pressions des lobbies agroalimentaires sur le Nutri-score auprès de la Commission Européenne amènent également à s’interroger sur le rôle de certains groupes d’intérêt privés dans ce retard. Ces lobbies ont en effet manifesté leur opposition à un grand nombre de recommandations du Conseil national de l’alimentation, qui convergent d’ailleurs avec les demandes de 103 organisations de la société civile adressées à Elisabeth Borne.

 

Ce retard constitue quoi qu’il en soit une opportunité : inscrire cette Stratégie nationale pour l’alimentation en cohérence avec le plan pour la planification écologique dévoilé par Matignon cet été. En effet, le volet “Mieux se nourrir” du plan établit plusieurs objectifs incontournables, comme l’évolution de la consommation vers “plus de végétaux (légumes et légumineuses), moins de viande mais de meilleure qualité, et produite en France, des produits plus locaux et de saison” et l’accès de toutes et tous aux produits de qualité et durables.

 

Alors que le gouvernement est sur le point d’effectuer des arbitrages décisifs entre les propositions des différents ministères, nous, organisations de consommateurs, de familles, de paysans, de patients, de professionnels de santé, de protection de l’environnement et du bien-être animal, et de solidarité, demandons à la Première Ministre d’agir dans l’intérêt général et d’inscrire dans la Stratégie des objectifs et des mesures à la hauteur des urgences écologiques, sociales et de santé publique. En cohérence avec les 13 recommandations prioritaires déjà adressées par 54 organisations avant l’été, nous identifions trois enjeux cruciaux que le gouvernement ne peut pas se permettre d’éluder.

 

Premièrement, la Stratégie doit absolument fixer un objectif clair et chiffré de diminution de la consommation de viande (y compris la volaille), en cohérence avec les engagements environnementaux de la France, et mobiliser des moyens pour faire évoluer les régimes alimentaires vers moins de viande (mais de plus grande qualité et produite en France), plus d’aliments végétaux de qualité (fruits et légumes, céréales complètes, légumineuses) et plus de produits durables, en particulier biologiques et équitables. Cela passe notamment par la révision des recommandations de consommation alimentaire du Programme national nutrition santé (PNNS) de manière à intégrer les enjeux écologiques, ainsi que par le renforcement des moyens du PNNS et de Santé Publique France pour communiquer sur ces recommandations. La France devrait s’inspirer du Danemark qui vient de publier son plan national pour stimuler la consommation de protéines végétales.

 

Deuxièmement, le gouvernement doit renforcer la réglementation des entreprises du secteur agroalimentaire, dont l’offre de produits et les pratiques de marketing sont en contradiction et font obstacle à la transition alimentaire. Des rapports récents ont ainsi montré que les supermarchés incitent à la surconsommation de viande industrielle et ultra-transformée (voir les études de l’IDDRI et du Réseau Action Climat) et que le marketing des industriels pour la malbouffe continue de cibler les enfants. Pourtant, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution sont aujourd’hui les maillons les moins régulés par les pouvoirs publics. La Stratégie nationale pour l’alimentation doit donc absolument encadrer davantage ces secteurs par l’intermédiaire des trois leviers suivants :

  • L’interdiction de la publicité et du marketing ciblant les enfants pour des produits trop gras, trop sucrés et trop salés et l’obligation d’affichage du Nutri-score sur les emballages des produits alimentaires et dans toutes leurs publicités.
  • La mise en place d’objectifs d’approvisionnement en produits biologiques, équitables et de qualité pour les enseignes de la grande distribution, sur le modèle de la loi EGAlim, en intégrant des objectifs d’offre et de vente d’aliments végétaux de qualité (fruits et légumes et légumes secs en particulier), associée à une restriction de la surface de vente dédiée aux produits trop gras, trop sucrés, trop salés et aux aliments ultra-transformés.
  • Le renforcement de la transparence sur la construction des prix et la répartition de la valeur et la mise en place d’un groupe de travail chargé de définir les modalités d’un encadrement des marges, de façon à empêcher les pratiques de surmarge sur les produits sains et durables, notamment biologiques.

 

Troisièmement, la Stratégie doit se fonder sur l’objectif de garantir à toutes et tous l’accès à une alimentation saine, durable et choisie, et mettre en place des mesures concrètes pour l’atteindre. Face à une hausse continue du nombre de personnes en situation de précarité alimentaire, le système actuel d’aide alimentaire montre ses limites. La SNANC doit donc donner un cadre clair permettant de dépasser l’aide alimentaire actuelle pour aller vers une politique plus globale d’accès à l’alimentation dans la dignité. Cela passe par davantage de soutien à la restauration collective pour proposer des repas de qualité et accessibles, mais aussi et surtout par un renforcement des capacités financières des populations les plus précaires et par une meilleure prise en compte des enjeux d’accessibilité, de précarité et de lutte contre la grande pauvreté dans les politiques publiques. Déployer une démarche participative et ne pas stigmatiser les bénéficiaires d’une intervention, sont des modalités d’une démarche de promotion de la santé visant la réduction des inégalités sociales favorables à la santé et au bien-être de tous, sans exclusion !

 

Signataires : 

Philippe Quirion, Président du Réseau Action Climat

François Baudier, médecin de santé publique, Président de la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (Fnes)

Karine Jacquemart, Directrice de Foodwatch France

Jean-Michel Delile, Président de la Fédération Addiction

Marion Sarroca, Directrice Adjointe de la Ligue nationale Contre l’Obésité

Bernard Basset, Président de l’association Addictions France

Aicha Koraichi, Présidente d’Action contre la faim

Manuel Rodrigues, Président de la Société française du cancer

Antoine Tirot, Responsable du secteur Consommation/Économie/Environnement à la Confédération Syndicale des Familles 

Anne-Sophie Joly, Présidente du Collectif National des Associations d’Obèses

Antoine Gatet, Président de France Nature Environnement

Pierre Michel Périnaud, Président de l’AMLP (Alerte des Médecins sur les Pesticides)

Christian Khalifa, Président de l’INDECOSA-CGT 

Patrick Mercier, Président de l’ADEIC-ULCC

Violette Philippe, Co-Présidente de Déclic

Sandrine Berterreix, Membre du cercle de pilotage de l’Alliance Santé Planétaire

Jean-François Julliard, Directeur général de Greenpeace France

Arnaud Greth, Président de Noé

José Tissier, Président de Commerce Equitable France

Emilie Orliange, Présidente de l’Association de l’Alimentation Durable

André Cicolella, Président du Réseau Environnement Santé

Diane Dupré la Tour, Cofondatrice des Petites Cantines

Karine Pontroué, Cofondatrice groupe Santé Environnementale du Collectif Je Suis Infirmière Puéricultrice

Jean-Louis Clément, Coprésident en charge du plaidoyer de l’Union nationale des Groupements de Épiceries Sociales et Solidaires (UGESS) 

Élodie Gérôme, Directrice de QUATRE PATTES

Silvère Dumazel, Président de l’association TransiTerra

Julie Potier, Directrice de Bio consom’acteurs

Mathis Fidaire, Président du Réseau Étudiant pour une Société Écologique et Solidaire (RESES) 

GiIliane Le Gallic, Présidente de l’association Alofa Tuvalu

Nicolas Verzotti, Paysan et vice-président de Réseau CIVAM

Yvan Savy, Directeur de CIWF France

Jean-Yves Mano, Président de la CLCV

Khaled Gaiji, Président des Amis de la Terre 

Marie-Aleth Grard, Présidente du Mouvement ATD Quart Monde France

Nadine Lauverjat, Déléguée générale de Générations Futures

Sophie Descarpentries et Mathieu Bellay, Co-présidente et Co-directeur du FRENE (Réseau Français d’Éducation à la Nature et à l’Environnement)

Nicolas Détrie, Directeur général de Yes We Camp

Marie Cousin et Lucas Lechat, Co-président·es de Résistance à l’Agression Publicitaire

Ghislain Zuccolo, Directeur général de Welfarm

Jean Azan, Représentant des Ami.e.s de la Confédération paysanne

Christophe Hurbin, Président de myLabel

Françoise Vernet, Présidente de Terre & Humanisme

Jamy Belkiri, Présidente du pôle consommation de Familles de France

Bertrand Auzeral, Président de l’association Bee Friendly

Jean-François Thébaut, Vice-Président de la Fédération Française des Diabétiques

Vincent Rousselet, Directeur de Bio Équitable en France

Stéphanie Clément-Grandcourt, Directrice générale de la Fondation pour la Nature et l’Homme

Cyril Ernst, Directeur d’Assiettes Végétales

Renaud Fossard, Délégué général de Communication et Démocratie

Florimond Peureux, Président de l’Observatoire national des alimentations végétales 

Sophie Léger, Responsable alimentation durable de l’association OuiChange

Sidonie Commarmond, membre du collectif Pour un réveil écologique

Margot Chevalier et Jean-Luc Bausson, Co-président.es du CMR – Chrétiens dans le monde rural

Ariane Delmas et Bérangère Fagart, Co-présidentes de la Communauté Écotable

Vincent David, Président de Max Havelaar France

Boris Tavernier, Délégué général VRAC France

Dr Emanuel Loeb, Président de Jeunes Médecins France

Pierre Souvet, cardiologue et Président de l’Association Santé Environnement France (ASEF)

Guylaine Brohan Présidente, de Familles Rurales

Philippe CAMBURET, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB)

Silène Parisse, Porte-parole d’Alternatiba

Marie-Amandine Stévenin, Présidente de l’UFC-Que Choisir

Ghislain Grodard-Humbert, Président de l’Association Française des Diététiciens-Nutritionnistes

Anne-Françoise Taisne, Déléguée générale du Comité français pour la solidarité internationale (CFSI)

Anna Faucher, Directrice et co-fondatrice de l’association Let’s Food

Marie-Andrée Blanc, Présidente de l’Union nationale des associations familiales (UNAF)

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Ligue contre le Cancer – à confirmer

France Assos Santé – à confirmer