AU FIL DES JOURS

GEOCAP-agri: et maintenant ?

Le projet Geocap-agri a été lancé par les pouvoirs publics en réponse à la mobilisation de parents d’enfants malades, d’une professeure des écoles, du maire et de médecins à Preignac, une commune en Gironde située au milieu des vignes.

L’étude Géocap-agri de l’équipe EPICEA2 de l’Inserm a été publiée aujourd’hui dans la revue Environmental Health Perspectives. Elle montre «une association entre le risque de développer une leucémie de type « lymphoblastique » – la plus fréquente des leucémies infantiles – et l’étendue de la surface couverte par les vignes, dans un périmètre de 1000 mètres autour de l’adresse des enfants. Ce risque augmente de façon modérée en fonction de la surface couverte par les vignes : en moyenne pour chaque augmentation de 10 % de la part couverte par les vignes dans le périmètre de 1000 mètres, le risque de leucémie lymphoblastique augmente de près de 10% « (1) . Il faut le souligner, la mise en évidence de l’augmentation d’un risque faible – et heureusement le risque de leucémie de l’enfant est du seul point de vue statistique, un risque faible – est difficile en santé environnementale. L’existence d’un registre national des cancers de l’enfant y a grandement contribué.

 

Cette étude s’inscrit dans un corpus de connaissances déjà fourni et présenté dans l’actualisation de l’expertise Inserm « Pesticides et santé » publiée en juin 2021 (2). Concernant les cancers de l’enfant, cette même association entre l’exposition aux pesticides et leucémies de l’enfant est retrouvée en cas d’exposition professionnelle de la mère pendant sa grossesse – mais aussi du père en période préconceptionnelle – et en cas d’exposition domestique. Dans les deux cas la présomption de lien (autrement dit le niveau de preuve) est qualifiée de forte. De plus une étude  écologique avait mis en évidence ce  lien entre leucémie de l’enfant et « surface agricole utile » (SAU) à l’échelle communale, seulement pour la viticulture.(3) Enfin il existe d’autres pathologies en lien avec l’exposition environnementale des enfants aux pesticides, à commencer par certains troubles du neuro-développement.

 

Notre association avait en 2016 contesté les conclusions de l’Institut de veille sanitaire (intégrée maintenant à Santé Publique France) qui avait enquêté sur un excès de cas de cancers de l’enfant mis en évidence dans l’école de Preignac, au milieu des vignes de Sauternes. L’agence avait certes reconnu un excès de cas, mais décidé d’une simple surveillance. Nous avions au contraire argumenté de la nécessité d’une étude à l’échelle de l’ensemble des régions viticoles françaises, s’appuyant sur le registre national des cancers de l’enfant. Et à l’époque SPF et l’Inserm avaient pris en considération nos arguments, ce dont nous nous félicitons.

 

Paradoxalement aujourd’hui la tâche paraît plus difficile et pourtant simple à énoncer : les données scientifiques dont nous disposons, toujours incomplètes par nature, ne justifient-elles pas que des mesures de réduction des expositions des enfants soient prises ? A commencer par l’éloignement – de l’ordre de 200 mètres – des cultures de vignes, traitées aux pesticides de synthèse, des écoles. Il s’agirait d’un premier pas, qui aurait le mérite de montrer que les données scientifiques comptent et que la santé publique n’est pas la valeur d’ajustement des politiques agricoles.

Le colloque auquel l’AMLP participera à Bordeaux le 17 novembre dans le cadre du tour de France de « Secrets toxiques » abordera largement cette question.

 

 

(1) Communiqué de presse Inserm du 17/10/2023

(2) Expertise Inserm « Pesticides et santé », juin 2021.

(3) Densité des cultures agricoles dans les communes de France et incidence des leucémies infantiles : une étude écologique   10.1016/j.envres.2020.109517