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dossier protection des riverains

Protection des riverains :

Depuis le 21 décembre et jusqu’au 11 janvier 2022, le ministère de l’Agriculture ouvre à la consultation publique deux projets de textes. Ceux-ci visent à modifier le décret et l’arrêté du 27 décembre 2019 relatifs aux zones de non-traitement (ZNT) de produits phytosanitaires. Cela fait suite à l’injonction du Conseil d’État de juillet dernier, lequel avait annulé partiellement les deux textes à la suite d’un recours déposé par un collectif d’associations dont l’AMLP. Deux ans plus tôt il avait annulé le précédent arrêté de 2017 car la protection des riverains, de la ressource en eau et des travailleurs était insuffisante.

Avant de répondre à cette consultation publique résumé des épisodes précédents :

1) lors des Etats Généraux de l’Alimentation de 2017, la pression des ONG avait conduit à l’adoption de l’article 83 de la Loi EGALIM

« l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d’application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d’engagements à l’échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique ».

2) En décembre 2019 l’État promulgue donc un décret et un arrêté. Un ensemble d’ONG dont l’AMLP déposa alors des recours à la fois devant le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’Etat. 

Concernant le décret qui portait spécifiquement sur les chartes, celui-ci comportait deux points noirs notables : l’absence d’obligation d’informer les riverains sur les pulvérisations à venir, et une gestion unique dans les mains des utilisateurs sans réelles possibilités de négociation et d’évolution favorable aux riverains.

L’arrêté fixait notamment les futures zones de non traitement : 20 mètres pour les produits les plus dangereux ne concernant qu’un nombre très faible de produits (essentiellement des CMR 1 déjà interdits ce qui est un comble!), 10 mètres pour les cultures hautes, 5 mètres pour les autres. Plus la possibilité pour les agriculteurs de déroger à ces distances à partir du moment où sont adoptés certains dispositifs anti-dérives (tels que des tracteurs équipés de buses spéciales) … Aucune allusion à la conclusion de l’avis de juin 2019 de l’Anses dans lequel l’agence reconnaît que ces distances de sécurité devraient être « supérieures, par mesure de précaution en particulier pour les produits CMR ». C’est pourtant cet avis qui a constitué la base des mesures adoptées dans l’arrêté du 27 décembre 2019…

De plus , l’arrêté de 2019 prévoyait des délais de rentrée bien trop faibles et de trop nombreux cas de dérogations possibles, notamment si le salarié agricole porte un Équipement de Protection Individuelle (EPI) ! Pourtant des études récentes réalisées dans le cadre d’AGRICAN mettent en lumière qu’en viticulture ou en arboriculture, secteurs fortement utilisateurs de pesticides, l’exposition des travailleurs peut-être plus importante lors des travaux après réentrée dans les parcelles que pour les applicateurs de pesticides eux-mêmes. Et la protection apportée par les EPI est sérieusement contestée.

Si vous voulez en savoir plus :dossier de presse recours V2

En juillet 2021 le Conseil d’Etat nous a donné en partie raison, obligeant l’Etat à revoir sa copie.

3) Qu’a dit le Conseil d’État en juillet 2021 ?

Celui-ci a rendu en juillet une décision majeure, en annulant, car insuffisamment protectrices, plusieurs dispositions encadrant les épandages près des habitations :

  • insuffisance des distances minimales pour les produits suspectés d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 2),

  • absence d’information réelle des riverains en amont des épandages,

  • insuffisante protection des riverains et travailleurs.

Notre analyse du nouveau projet de décret et d’arrêté :

– concernant le projet de décret : on constate que ce sont toujours les utilisateurs des pesticides et eux seuls qui sont chargés de mettre en place ces chartes. Aucune concertation des riverains ni des associations de défense de l’environnement en amont. Elles devront se contenter de la consultation publique.

Quand à l’information du public en amont des épandages une circulaire devrait en préciser les modalités….

L’intérêt, modeste, de ces chartes est de favoriser le dialogue entre habitants et professionnels. Or leur gouvernance a été laissée entre les mains des seuls professionnels alors que les services de l’État pourraient jouer un rôle de modérateur (ex charte limousine). Si les mesures concrètes de protection (nature des produits épandus, date et heures d’épandage, pose de manches à air afin qu’à titre pédagogique la vitesse du vent soit visible de tous, nature des haies de protection…) ne sont pas discutées entre les parties, en amont de la rédaction de ces chartes, puis régulièrement dans le temps, on voit mal comment elles pourront déboucher sur autre chose que le statu-quo. L’information des résidents ne peut se limiter à un simple affichage en Mairie »

– concernant le projet d’arrêté :

Aucune allusion aux zones non traitées ! Cette mesure semble renvoyée après les élections…

La seule mesure concerne les lieux de travail qui seront considérés comme des « habitations », et donc soumis aux mêmes règles que celles des riverains, qui sont justement très insuffisantes.

Aucune allusion non plus à la question des délais de ré-entrée.

Notre réponse 

Si vous voulez répondre vous aussi à la consultation publique, vous pouvez vous en inspirer ou faire un copier-coller : proposition de réponse

https://agriculture.gouv.fr/consultation-publique-projets-de-decret-et-darrete-relatifs-aux-mesures-de-protection-des-personnes

Les pouvoirs publics ne peuvent en effet pas ignorer :

– la mise à jour de l’expertise Inserm publiée en juin 2021 : alors qu’en 2013 seulement deux pathologies étaient rapportés à l’usage de pesticides pour la population générale (lié à un usage domestique) et qu’un doute existait pour le Parkinson, en 2021 il existe pour 4 pathologies un niveau de preuve moyen (troubles cognitifs, tumeurs du SNC, asthme, et troubles du neuro-développement). Le niveau de preuve est toujours fort pour les leucémies et les tumeurs du SNC lors d’exposition domestique. Lien vers le PDF des tableaux récapitulatifs.

– ils ne peuvent pas ignorer non plus , puisqu’ils les financent, que sont en attente en début d’année 2022 (avec 3 ans de retard) les résultats de l’étude Geocap portant sur l’incidence des cancers de l’enfant en région viticole. Et que l’étude Pestiriv vient d’être enfin mise en chantier, toujours en région viticole, pour étudier en particulier l’effet de la distance sur la contamination des riverains (le protocole d’étude porte sur des distances allant jusqu’à 1500 m). Ces deux études ont été déclenchées à l’initiative de l’AMLP.

Nous disposons déjà d’études épidémiologiques, de données toxicologiques (puisque obligatoires pour les dossiers d’AMM, et permettant de classer les molécules en CMR par ex) qui devraient rendre très prudents dans l’attente des résultats de ces deux études. L’interdiction des molécules les plus dangereuses à proximité des habitations (la distance restant à apprécier en croisant les données de Propulpp, Pestiriv) est incontournable.

– l’étude AGRICAN venant compléter les résultats de Pestexpo, a montré sur le risque de cancer de la prostate l’importance du travail en réentrée (doublement du risque après 10 ans de travail de récolte en arboriculture)

– cette revue très critique quant au rôle des EPI, dont certains auteurs avaient conduit l’étude Pestexpo (ayant mis en évidence que l’exposition lors des tâches de réentrée est parfois supérieure à celle des phases de préparation et d’épandage)

Critical review of the role of PPE in the prevention of risks related to agricultural pesticide use, Safety Science 2020 A. Garrigou, C. Laurent, A. Berthet, C. Colosio, N. Jas, V. Daubas-Letourneux, J.-M. Jackson Filho, J.-N. Jouzel, O. Samuel, I. Baldi, P. Lebailly, L. Galey, F. Goutille, N. Judon