AU FIL DES JOURS

Grave péril sur la régulation des substances toxiques pour la santé et l’environnement

La Commission européenne vient de décider de reporter au quatrième trimestre 2023, le plan d’interdiction des substances toxiques pour la santé et l’environnement, qu’elle avait annoncé le 25 avril 2022 et qui promettait une « révolution » sans précédent. Aux yeux du journal Le Monde (19/10/2022), « Le lobby chimique a gagné ».
Mais comment sont régulées les substances chimiques en Europe ?Pas facile de s’y retrouver car plusieurs règlements sont intriqués. Nous ne présenterons ici que ceux qui sont immédiatement concernés  par cette dernière reculade de la Commission :
REACH (règlement n°1907/2006) entré en vigueur en 2007 , vise à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’Union  Européenne.Mais de nombreux obstacles freinent la mise en œuvre de ce règlement. Notamment : les procédures administratives d’autorisation et de restriction lourdes et complexes ; un fonctionnement qui repose en grande partie sur la qualité des données fournies par les entreprises ; et au bout de longues procédures,  d’exceptionnelles mesures de retrait du marché.

CLP pour  classification, étiquetage et emballage des substances et des mélanges dangereux. Ce règlement est « juridiquement contraignant dans tous les États membres et directement applicable à tous les secteurs industriels » (site ECHA consulté le 20/10/2022). Cela signifie par exemple que la classification des substances toxiques définie dans le CLP s’applique dans tous les règlements – par ex celui concernant les pesticides – et pour tous les pays européens.  Or la Commission européenne souhaitait et va très probablement reconnaître une nouvelle classes de danger pour les Perturbateurs Endocriniens (PE) dans la classification CLP : les PE suspectés. Nous avions dans un document consacré à la question des PE (https://alerte-medecins-pesticides.fr/ressources/dossier-pe/), montré qu’il s’agissait d’une évolution indispensable pour permettre leur identification. Il s’agit donc d’une avancée majeure, mais tout dépend des exigences concernant les données exigées, données définies dans les annexes de ….REACH. Rappelons qu’en 2013, le lobby chimique avait déjà fait exploser en vol la définition des PE qui aurait permis l’entrée en vigueur du règlement voté 4 ans plus tôt. Et qu’il a fallu ensuite attendre 2018 pour qu’une nouvelle définition plus conforme aux vœux de l’industrie voit le jour. C’est ce règlement inapplicable en l’état qu’il est encore possible de faire évoluer.

Concernant les pesticides c’est le règlement 1107/2009 qui définit la liste des substances autorisées en Europe, et les critères d’exclusion de celles-ci. Le projet de règlement SUR (Regulation of Sustainable Use of plants protection products) actuellement en discussion au niveau du Parlement européen, serait plus ambitieux  car il prévoit l’adoption d’un objectif juridiquement contraignant de réduction des pesticides de 50 % à l’horizon 2030 et l’extension des zones tampon à proximité des zones utilisées par le grand public ; il est probable que lui aussi, finisse par être enterré.

Il est encore possible que des Etats se mobilisent pour défendre la santé publique. Plutôt que de céder aux sirènes de ceux qui saisissent le prétexte de la guerre en Ukraine pour faire échouer le Green deal, certains Etats pourraient se concentrer sur l’essentiel : la sauvegarde de la biodiversité qui exige un autre modèle agricole européen, et celle de la santé publique. L’occasion de faire de l’approche « one health » autre chose qu’un slogan. C’est le sens du courrier adressé aux ministèresde l’Écologie, de la Santé et de l’Agriculture de tous les pays européens par HEAL un collectif d’associations européennes dont l’AMLP. HEAL-Letter-Guaranteeing-the-timely-delivery-of-the-EU-Green-Deal-for-health-21-October-2022_web-1

Contact AMLP : Docteur Pierre-Michel Perinaud 06 31 23 66 72