Quand l’industrie agroalimentaire produit de la « science » dans le cadre de ses stratégies de lobbying contre Nutri-Score alors qu’il est démontré que la consommation d’aliments moins bien classés sur l’échelle du Nutri-Score est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires.
Une pétition https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdb-Q3v6SJaxHvqGUBxTOqriSD8_gKINDGIFJpw9wQt7qNFIA/viewform?hl=fr&pli=1&usp=pp_urla été lancée par le Pr Serge Hercberg
Professeur Emérite de Nutrition, Université Sorbonne Paris -Nord
Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN)
hercberg@uren.smbh.univ-paris13.fr
COMMUNIQUE DE PRESSE
28 octobre 2024
Suite à la tribune publiée par Mathilde Touvier, Cynthia Fleury, Serge Hercberg et Stéphane Besançon dans le journal Le Monde le 24 octobre 2024 cf article ci-dessous
un collectif de 1142 scientifiques et professionnels de santé appelle le Premier Ministre
à rendre le Nutri-Score obligatoire en France
Le logo nutritionnel Nutri-Score représente un véritable outil de santé publique s’appuyant sur des bases scientifiques solides. Il a notamment, été validé par plus d’une centaine d’études développées dans 20 pays qui ont permis de démontrer son efficacité pour améliorer les apports alimentaires des consommateurs. De multiples études portant sur plusieurs dizaines voire centaines de milliers de citoyens en Europe ont montré que le fait de manger des aliments mieux classés par le Nutri-Score était associé à un moindre risque de cancers, de maladies cardiovasculaires, d’obésité et troubles métaboliques, et de mortalité prématurée. Un rapport de l’OCDE de 2024 estime à 2 millions le nombre de cas de maladies chroniques qui pourraient être évitées en Europe d’ici 2050, si le Nutri-Score était généralisée. Il s’agit d’une mesure simple de prévention capable de contribuer à réduire le risque de maladies chroniques et ayant, au-delà de son impact sur la santé des consommateurs, un impact économique et social.
Proposé par les scientifiques en 2014, il a été adopté officiellement en France le 31 octobre 2017, après une dure bataille contre les lobbys agro-alimentaires. Mais son adoption repose sur le volontariat des entreprises, du fait d’une réglementation européenne sur l’information des consommateurs datant de 2011 (qui a été poussée par les lobbies) qui empêche les états membre de décider eux-mêmes de rendre obligatoire un logo nutritionnel synthétique sur la face avant des emballages des aliments.
Si aucun industriel ne le soutenait et n’acceptait de l’afficher lorsqu’il a été proposé par les scientifiques en 2014, et s’ils étaient 6 au moment de son officialisation en 2017, plus de 1400 marques l’ont adopté aujourd’hui, ce qui représente environ 60 % du marché alimentaire français. Mais de grands groupes agro-alimentaires le refusent et le combattent depuis de nombreuses années (comme Ferrero, Coca-Cola, Mars, Lactalis, Mondelez, Kraft, …) et certains (comme Danone et Bjorg) qui l’avaient adopté ont décidé récemment de le supprimer sur certaines de leurs marques pour préserver leurs intérêts économiques (non satisfaits par sa mise à jour qui le rend légitimement plus strict pour un certain nombre de produits très sucrés ou salés). Or pour être efficace de façon optimale et pleinement utile aux consommateurs, le Nutri-Score doit être présent sur tous les emballages des aliments.
En 2021 un grand espoir est né avec l’annonce faite par la Commission européenne (CE) que, dans le cadre de sa stratégie « De la ferme à la fourchette », serait sélectionné avant fin 2022 un logo nutritionnel unique et obligatoire pour l’Europe. Compte-tenu de ses bases scientifiques, des travaux de recherche ayant validé son algorithme de calcul et son format graphique (dont le récent rapport du Joint Research Center, l’organisme de recherche de la CE), de soutien de la communauté scientifique européenne et des associations de consommateurs (dont le BEUC qui regroupe en Europe 43 associations de consommateurs), des résultats favorables de la consultation publique lancée par la CE et de son adoption officielle dans 7 pays en Europe, Nutri-Score apparaissait clairement comme l’option la plus crédible.
Mais la perspective qu’un logo nutritionnel devienne obligatoire pour l’ensemble des pays européens, et que ce soit le Nutri-Score qui soit choisi, a réveillé les lobbies qui se sont mobilisés pour faire pression sur les instances de décision européennes. Fin 2024, la CE n’a toujours pas modifié son règlement.
Face à l’absence de décision de la CE qui hésite devant les lobbys agro-alimentaires et leurs relais politiques et ne prend pas ses responsabilités concernant la protection de la santé des consommateurs européens en n’ayant pas rendu obligatoire un logo nutritionnel basé sur la science comme elle s’était engagée à le faire il y a 2 ans, un collectif de plus de 1100 scientifiques et professionnels de santé appelle Monsieur le Premier Ministre à prendre la décision historique et pionnière de rendre obligatoire l’affichage du Nutri-Score sur tous les emballages des aliments en France (dans sa version mise à jour), et d’inciter les 7 autres pays qui ont adopté Nutri-Score à faire de même, au nom de la défense de la santé de la population.
Le fait de ne pas rendre obligatoire le Nutri-Score constitue une perte de chance inacceptable pour les citoyens.
___________________________________________
A ce jour 1142 signataires regroupés dans le Collectif ont apporté leur soutien à cet appel au Premier ministre pour rendre le Nutri-Score obligatoire. Tous les professionnels de santé et scientifiques travaillant dans le champ de la santé souhaitant s’associer à cette démarche et signer cet Appel peuvent rejoindre le collectif en remplissant le formulaire en cliquant sur : https://docs.google.com/forms/d/1W29MCDtwaSPT83FxJSAMyhVLdiJvzi5VBldPUQHWiaY/prefill
Le texte complet de l’Appel « Un collectif de scientifiques et professionnels de santé appelle le Premier Ministre à rendre le Nutri-Score obligatoire. Il s’agit d’une urgence de santé publique ! » avec la liste des 1142 premiers signataires est acessible sur le site : https://nutriscore.blog/2024/10/27/un-collectif-de-scientifiques-et-professionnels-de-sante-appelle-le-premier-ministre-a-rendre-le-nutri-score-obligatoire-il-sagit-dune-urgence-de-sante-publique/
Contacts :
.
Nous vous invitons à lire un excellent article paru dans le Monde du 23 octobre sous la plume de Mathilde Gérard.
Il ne devait s’agir que d’une formalité. Au 1er janvier, après deux ans de travaux de son conseil scientifique, le nouveau mode de calcul du Nutri-Score (l’étiquetage qui renseigne sur la composition nutritionnelle des aliments selon une échelle de notes de A à E) devait entrer en vigueur. Cette nouvelle version de l’algorithme, fruit d’un consensus scientifique et d’un accord entre les Etats qui l’ont adopté, devait notamment aider le consommateur à mieux s’y retrouver, en distinguant davantage les produits en fonction de leurs quantités de sucre, sel, gras et fibres.
Mais au 21 octobre, l’arrêté ministériel actant la mise à jour du Nutri-Score n’a toujours pas été publié. Et les consommateurs, eux, restent perdus entre les informations sur les nouvelles notes ayant circulé dans les médias, et les étiquettes vues en rayon qui continuent d’afficher les anciens scores.
Officiellement, le gouvernement invoque un problème de calendrier, lié notamment à la dissolution de l’Assemblée le 9 juin, puis à la période au cours de laquelle le gouvernement démissionnaire a expédié les affaires courantes. Contrairement aux autres pays qui ont adopté le Nutri-Score (Allemagne, Espagne, Luxembourg, Belgique, Pays-Bas, Suisse) et qui ont appliqué d’emblée le nouvel algorithme, la France était tenue, en raison d’une subtilité administrative, de notifier à la Commission européenne son projet d’arrêté, ouvrant un délai de six mois d’allers-retours. Mais, depuis le 1er juillet, plus rien n’empêche la publication de l’arrêté, qui se trouve prêt sur le bureau du ministre de la santé.
« Cela aurait pu être traité dans les affaires courantes pendant l’été », s’étonne l’épidémiologiste Serge Hercberg, ancien président du Programme national nutrition santé et dont les équipes ont mené les travaux du Nutri-Score. Le nouveau gouvernement, entré en fonctions début septembre, ne s’est pas davantage empressé de publier l’arrêté. De quoi faire craindre que l’actualisation du Nutri-Score ne fasse l’objet de blocages interministériels.
« Un danger mortel » pour le comté
Ce retard est révélateur de la frilosité de l’exécutif sur ce dossier depuis quelques années. Le nouveau gouvernement compte des membres qui ont affiché leur hostilité à ce dispositif. Le ministre de l’économie, Antoine Armand, s’est notamment illustré en prenant la tête, en mars, quand il était député Renaissance de Haute-Savoie, d’un groupe de parlementaires réclamant de « réviser les méthodes de calcul du Nutri-Score », estimant que les fromages en particulier allaient se retrouver injustement déclassés.
La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, avait elle aussi pris position en octobre 2021, en tant que députée (Les Républicains) du Doubs : « Avec cette histoire de Nutri-Score, il y a un danger mortel pour nous », avait-elle lancé lors d’une réunion des élus de la montagne, en allusion à la filière du comté. Le ministre de l’enseignement supérieur, Patrick Hetzel, avait également cosigné une proposition de loi visant à exclure les produits d’appellation d’origine contrôlée du Nutri-Score.
« En matière d’alimentation, on voit qu’on est en retard sur de nombreux programmes, déplore le député Loïc Prud’homme (La France insoumise, Gironde), investi à l’Assemblée nationale sur ces enjeux. Ce ne sont pas de simples difficultés de calendrier. La production agroalimentaire n’est pas dans les priorités du ministère de la santé, qui ne veut pas aller contre les intérêts des industriels. »
Car, en parallèle, l’opposition au Nutri-Score a redoublé depuis la présentation du nouveau mode de calcul. Début septembre, Danone, qui figurait parmi les premières entreprises à adopter le Nutri-Score en 2017, a annoncé retirer le logo de ses boissons lactées ou végétales (Actimel, Danonino, Activia, Alpro, Hi-Pro) estimant que celles-ci se retrouvent injustement pénalisées – une partie de ces boissons affichant de fortes teneurs en sucres allaient se retrouver classées D ou E. Un revirement retentissant de la première société cotée à adopter le statut de « société à mission ».
Un effet « match retour »
« C’est décevant qu’une entreprise qui cultive une image santé ne joue pas le jeu de la transparence quand ça ne l’arrange pas, regrette le professeur Serge Hercberg. Danone met sous le tapis la réalité de la teneur en sucres de ses produits, tout en les présentant comme bénéfiques pour la santé. L’annonce du retrait du Nutri-Score est intervenue quelques semaines avant la sortie d’un nouvel Actimel + qui prétend soutenir l’immunité et lutter contre la fatigue. »
Interrogé sur ce retrait, Danone répond que « la révision de l’algorithme qui bascule les produits laitiers et d’origine végétale à boire dans la catégorie des boissons nous semble contestable d’un point de vue méthodologique : cette évolution apporte une vision erronée de leur qualité nutritionnelle ». L’entreprise n’y voit pas de contradiction avec sa mission de soutien de la santé, et assure continuer à défendre un étiquetage nutritionnel européen.
L’industrie laitière dans son ensemble est très active pour demander des exemptions au déploiement du logo. Pour Richard Ramos, député MoDem du Loiret, « le Nutri-Score marche auprès des consommateurs et s’est imposé comme un signifiant rassurant et compréhensible. C’est ce qui aujourd’hui fait peur aux industriels avec la nouvelle notation ». Loïc Prud’homme voit lui dans le regain de contestation un effet « match retour » : « Les industriels avaient plus ou moins perdu la première manche, puisque le Nutri-Score a rencontré une vague d’adhésion dans la population, analyse le député. Ils n’ont pour autant jamais désarmé à essayer d’enterrer toutes les réglementations sur le sujet. Avec la révision de l’algorithme, c’est la deuxième manche qui se joue. »
L’ancienne note avantageuse des Actimel
Au niveau européen, la partie semble pliée. L’Italie a réussi à faire reculer l’ancienne Commission européenne, qui s’était fixé en 2020 comme objectif de faire adopter un étiquetage nutritionnel harmonisé entre les Vingt-Sept. Depuis les élections de juin 2024, Ursula von der Leyen, reconduite à la tête de la Commission, n’a fait aucune mention de ce dossier, paralysé depuis des mois. Tandis que des associations de consommateurs dénoncent l’opacité de Bruxelles, la médiatrice de l’Union européenne a conclu début octobre à « un cas de mauvaise administration » de la part de la Commission, qui refusait de rendre publique une étude d’impact sur les logos nutritionnels.
Pour les élus qui défendent une obligation d’affichage, l’enjeu va au-delà de la politique de prévention santé. « Quand on défend le Nutri-Score, on défend l’idée d’avoir le droit de manger sainement même quand on est pauvre, avance Richard Ramos. Le Nutri-Score est une forme de protection des consommateurs par l’Etat. J’ai de l’estime pour Yuka [une application d’informations nutritionnelles], mais ce n’est pas normal qu’une entreprise privée protège plus les Français que l’Etat. »
Le consommateur a de quoi être perplexe. Dans de nombreux rayons, les Actimel continuent d’afficher leur avantageuse ancienne note. Les industriels sont pourtant capables d’être réactifs lorsqu’il s’agit de sortir un packaging événementiel pour une compétition sportive ou les périodes de fêtes. Par ailleurs, Danone confirme au Monde qu’il n’entend pas retirer le Nutri-Score de ses yaourts à consommer à la cuillère, moins pénalisés par le nouveau mode de calcul. Le règlement du Nutri-Score proscrit pourtant un affichage à la carte au sein d’une même marque ; encore faut-il une volonté politique de le faire appliquer.
Quand l’industrie agroalimentaire produit de la « science » dans le cadre de ses stratégies de lobbying contre Nutri-Score alors qu’il est démontré que la consommation d’aliments moins bien classés sur l’échelle du Nutri-Score est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires.
Une pétition https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdb-Q3v6SJaxHvqGUBxTOqriSD8_gKINDGIFJpw9wQt7qNFIA/viewform?hl=fr&pli=1&usp=pp_urla été lancée par le Pr Serge Hercberg
Professeur Emérite de Nutrition, Université Sorbonne Paris -Nord
Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN)
hercberg@uren.smbh.univ-paris13.fr
COMMUNIQUE DE PRESSE
28 octobre 2024
Suite à la tribune publiée par Mathilde Touvier, Cynthia Fleury, Serge Hercberg et Stéphane Besançon dans le journal Le Monde le 24 octobre 2024 cf article ci-dessous
un collectif de 1142 scientifiques et professionnels de santé appelle le Premier Ministre
à rendre le Nutri-Score obligatoire en France
Le logo nutritionnel Nutri-Score représente un véritable outil de santé publique s’appuyant sur des bases scientifiques solides. Il a notamment, été validé par plus d’une centaine d’études développées dans 20 pays qui ont permis de démontrer son efficacité pour améliorer les apports alimentaires des consommateurs. De multiples études portant sur plusieurs dizaines voire centaines de milliers de citoyens en Europe ont montré que le fait de manger des aliments mieux classés par le Nutri-Score était associé à un moindre risque de cancers, de maladies cardiovasculaires, d’obésité et troubles métaboliques, et de mortalité prématurée. Un rapport de l’OCDE de 2024 estime à 2 millions le nombre de cas de maladies chroniques qui pourraient être évitées en Europe d’ici 2050, si le Nutri-Score était généralisée. Il s’agit d’une mesure simple de prévention capable de contribuer à réduire le risque de maladies chroniques et ayant, au-delà de son impact sur la santé des consommateurs, un impact économique et social.
Proposé par les scientifiques en 2014, il a été adopté officiellement en France le 31 octobre 2017, après une dure bataille contre les lobbys agro-alimentaires. Mais son adoption repose sur le volontariat des entreprises, du fait d’une réglementation européenne sur l’information des consommateurs datant de 2011 (qui a été poussée par les lobbies) qui empêche les états membre de décider eux-mêmes de rendre obligatoire un logo nutritionnel synthétique sur la face avant des emballages des aliments.
Si aucun industriel ne le soutenait et n’acceptait de l’afficher lorsqu’il a été proposé par les scientifiques en 2014, et s’ils étaient 6 au moment de son officialisation en 2017, plus de 1400 marques l’ont adopté aujourd’hui, ce qui représente environ 60 % du marché alimentaire français. Mais de grands groupes agro-alimentaires le refusent et le combattent depuis de nombreuses années (comme Ferrero, Coca-Cola, Mars, Lactalis, Mondelez, Kraft, …) et certains (comme Danone et Bjorg) qui l’avaient adopté ont décidé récemment de le supprimer sur certaines de leurs marques pour préserver leurs intérêts économiques (non satisfaits par sa mise à jour qui le rend légitimement plus strict pour un certain nombre de produits très sucrés ou salés). Or pour être efficace de façon optimale et pleinement utile aux consommateurs, le Nutri-Score doit être présent sur tous les emballages des aliments.
En 2021 un grand espoir est né avec l’annonce faite par la Commission européenne (CE) que, dans le cadre de sa stratégie « De la ferme à la fourchette », serait sélectionné avant fin 2022 un logo nutritionnel unique et obligatoire pour l’Europe. Compte-tenu de ses bases scientifiques, des travaux de recherche ayant validé son algorithme de calcul et son format graphique (dont le récent rapport du Joint Research Center, l’organisme de recherche de la CE), de soutien de la communauté scientifique européenne et des associations de consommateurs (dont le BEUC qui regroupe en Europe 43 associations de consommateurs), des résultats favorables de la consultation publique lancée par la CE et de son adoption officielle dans 7 pays en Europe, Nutri-Score apparaissait clairement comme l’option la plus crédible.
Mais la perspective qu’un logo nutritionnel devienne obligatoire pour l’ensemble des pays européens, et que ce soit le Nutri-Score qui soit choisi, a réveillé les lobbies qui se sont mobilisés pour faire pression sur les instances de décision européennes. Fin 2024, la CE n’a toujours pas modifié son règlement.
Face à l’absence de décision de la CE qui hésite devant les lobbys agro-alimentaires et leurs relais politiques et ne prend pas ses responsabilités concernant la protection de la santé des consommateurs européens en n’ayant pas rendu obligatoire un logo nutritionnel basé sur la science comme elle s’était engagée à le faire il y a 2 ans, un collectif de plus de 1100 scientifiques et professionnels de santé appelle Monsieur le Premier Ministre à prendre la décision historique et pionnière de rendre obligatoire l’affichage du Nutri-Score sur tous les emballages des aliments en France (dans sa version mise à jour), et d’inciter les 7 autres pays qui ont adopté Nutri-Score à faire de même, au nom de la défense de la santé de la population.
Le fait de ne pas rendre obligatoire le Nutri-Score constitue une perte de chance inacceptable pour les citoyens.
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A ce jour 1142 signataires regroupés dans le Collectif ont apporté leur soutien à cet appel au Premier ministre pour rendre le Nutri-Score obligatoire. Tous les professionnels de santé et scientifiques travaillant dans le champ de la santé souhaitant s’associer à cette démarche et signer cet Appel peuvent rejoindre le collectif en remplissant le formulaire en cliquant sur : https://docs.google.com/forms/d/1W29MCDtwaSPT83FxJSAMyhVLdiJvzi5VBldPUQHWiaY/prefill
Le texte complet de l’Appel « Un collectif de scientifiques et professionnels de santé appelle le Premier Ministre à rendre le Nutri-Score obligatoire. Il s’agit d’une urgence de santé publique ! » avec la liste des 1142 premiers signataires est acessible sur le site : https://nutriscore.blog/2024/10/27/un-collectif-de-scientifiques-et-professionnels-de-sante-appelle-le-premier-ministre-a-rendre-le-nutri-score-obligatoire-il-sagit-dune-urgence-de-sante-publique/
Contacts :
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Nous vous invitons à lire un excellent article paru dans le Monde du 23 octobre sous la plume de Mathilde Gérard.
Il ne devait s’agir que d’une formalité. Au 1er janvier, après deux ans de travaux de son conseil scientifique, le nouveau mode de calcul du Nutri-Score (l’étiquetage qui renseigne sur la composition nutritionnelle des aliments selon une échelle de notes de A à E) devait entrer en vigueur. Cette nouvelle version de l’algorithme, fruit d’un consensus scientifique et d’un accord entre les Etats qui l’ont adopté, devait notamment aider le consommateur à mieux s’y retrouver, en distinguant davantage les produits en fonction de leurs quantités de sucre, sel, gras et fibres.
Mais au 21 octobre, l’arrêté ministériel actant la mise à jour du Nutri-Score n’a toujours pas été publié. Et les consommateurs, eux, restent perdus entre les informations sur les nouvelles notes ayant circulé dans les médias, et les étiquettes vues en rayon qui continuent d’afficher les anciens scores.
Officiellement, le gouvernement invoque un problème de calendrier, lié notamment à la dissolution de l’Assemblée le 9 juin, puis à la période au cours de laquelle le gouvernement démissionnaire a expédié les affaires courantes. Contrairement aux autres pays qui ont adopté le Nutri-Score (Allemagne, Espagne, Luxembourg, Belgique, Pays-Bas, Suisse) et qui ont appliqué d’emblée le nouvel algorithme, la France était tenue, en raison d’une subtilité administrative, de notifier à la Commission européenne son projet d’arrêté, ouvrant un délai de six mois d’allers-retours. Mais, depuis le 1er juillet, plus rien n’empêche la publication de l’arrêté, qui se trouve prêt sur le bureau du ministre de la santé.
« Cela aurait pu être traité dans les affaires courantes pendant l’été », s’étonne l’épidémiologiste Serge Hercberg, ancien président du Programme national nutrition santé et dont les équipes ont mené les travaux du Nutri-Score. Le nouveau gouvernement, entré en fonctions début septembre, ne s’est pas davantage empressé de publier l’arrêté. De quoi faire craindre que l’actualisation du Nutri-Score ne fasse l’objet de blocages interministériels.
« Un danger mortel » pour le comté
Ce retard est révélateur de la frilosité de l’exécutif sur ce dossier depuis quelques années. Le nouveau gouvernement compte des membres qui ont affiché leur hostilité à ce dispositif. Le ministre de l’économie, Antoine Armand, s’est notamment illustré en prenant la tête, en mars, quand il était député Renaissance de Haute-Savoie, d’un groupe de parlementaires réclamant de « réviser les méthodes de calcul du Nutri-Score », estimant que les fromages en particulier allaient se retrouver injustement déclassés.
La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, avait elle aussi pris position en octobre 2021, en tant que députée (Les Républicains) du Doubs : « Avec cette histoire de Nutri-Score, il y a un danger mortel pour nous », avait-elle lancé lors d’une réunion des élus de la montagne, en allusion à la filière du comté. Le ministre de l’enseignement supérieur, Patrick Hetzel, avait également cosigné une proposition de loi visant à exclure les produits d’appellation d’origine contrôlée du Nutri-Score.
« En matière d’alimentation, on voit qu’on est en retard sur de nombreux programmes, déplore le député Loïc Prud’homme (La France insoumise, Gironde), investi à l’Assemblée nationale sur ces enjeux. Ce ne sont pas de simples difficultés de calendrier. La production agroalimentaire n’est pas dans les priorités du ministère de la santé, qui ne veut pas aller contre les intérêts des industriels. »
Un effet « match retour »
« C’est décevant qu’une entreprise qui cultive une image santé ne joue pas le jeu de la transparence quand ça ne l’arrange pas, regrette le professeur Serge Hercberg. Danone met sous le tapis la réalité de la teneur en sucres de ses produits, tout en les présentant comme bénéfiques pour la santé. L’annonce du retrait du Nutri-Score est intervenue quelques semaines avant la sortie d’un nouvel Actimel + qui prétend soutenir l’immunité et lutter contre la fatigue. »
Interrogé sur ce retrait, Danone répond que « la révision de l’algorithme qui bascule les produits laitiers et d’origine végétale à boire dans la catégorie des boissons nous semble contestable d’un point de vue méthodologique : cette évolution apporte une vision erronée de leur qualité nutritionnelle ». L’entreprise n’y voit pas de contradiction avec sa mission de soutien de la santé, et assure continuer à défendre un étiquetage nutritionnel européen.
L’industrie laitière dans son ensemble est très active pour demander des exemptions au déploiement du logo. Pour Richard Ramos, député MoDem du Loiret, « le Nutri-Score marche auprès des consommateurs et s’est imposé comme un signifiant rassurant et compréhensible. C’est ce qui aujourd’hui fait peur aux industriels avec la nouvelle notation ». Loïc Prud’homme voit lui dans le regain de contestation un effet « match retour » : « Les industriels avaient plus ou moins perdu la première manche, puisque le Nutri-Score a rencontré une vague d’adhésion dans la population, analyse le député. Ils n’ont pour autant jamais désarmé à essayer d’enterrer toutes les réglementations sur le sujet. Avec la révision de l’algorithme, c’est la deuxième manche qui se joue. »
L’ancienne note avantageuse des Actimel
Au niveau européen, la partie semble pliée. L’Italie a réussi à faire reculer l’ancienne Commission européenne, qui s’était fixé en 2020 comme objectif de faire adopter un étiquetage nutritionnel harmonisé entre les Vingt-Sept. Depuis les élections de juin 2024, Ursula von der Leyen, reconduite à la tête de la Commission, n’a fait aucune mention de ce dossier, paralysé depuis des mois. Tandis que des associations de consommateurs dénoncent l’opacité de Bruxelles, la médiatrice de l’Union européenne a conclu début octobre à « un cas de mauvaise administration » de la part de la Commission, qui refusait de rendre publique une étude d’impact sur les logos nutritionnels.
Pour les élus qui défendent une obligation d’affichage, l’enjeu va au-delà de la politique de prévention santé. « Quand on défend le Nutri-Score, on défend l’idée d’avoir le droit de manger sainement même quand on est pauvre, avance Richard Ramos. Le Nutri-Score est une forme de protection des consommateurs par l’Etat. J’ai de l’estime pour Yuka [une application d’informations nutritionnelles], mais ce n’est pas normal qu’une entreprise privée protège plus les Français que l’Etat. »
Le consommateur a de quoi être perplexe. Dans de nombreux rayons, les Actimel continuent d’afficher leur avantageuse ancienne note. Les industriels sont pourtant capables d’être réactifs lorsqu’il s’agit de sortir un packaging événementiel pour une compétition sportive ou les périodes de fêtes. Par ailleurs, Danone confirme au Monde qu’il n’entend pas retirer le Nutri-Score de ses yaourts à consommer à la cuillère, moins pénalisés par le nouveau mode de calcul. Le règlement du Nutri-Score proscrit pourtant un affichage à la carte au sein d’une même marque ; encore faut-il une volonté politique de le faire appliquer.